Les 43 tirailleurs de
Clamecy
Il parait important pour évoquer le tragique massacre des 43
tirailleurs sénégalais de Juin 1940 de faire un bref rappel historique de la
guerre 1914-1918, «
En septembre 1914, face à face, une population de 60 millions d’Allemands contre une de 36 millions de Français. Le Général Mangin fait alors appel aux indigènes des colonies, regroupant 15 millions d’Arabes d’Afrique du Nord, 20 millions d’Indochinois, 3 millions de Malgaches, 100 000 Somaliens et Canaques et 22 millions de Noirs Africains, portant ainsi à 100 millions d’hommes, regroupés sous le drapeau français.
600 000 coloniaux de l’Empire viennent au secours de
Les tirailleurs sénégalais regroupant une cinquantaine d’ethnies et d’autant de dialectes, forcent l’admiration pour leur combativité et leur bravoure. 80 000 ne reverront jamais leurs villages. Encensés durant le conflit, leur rôle sera minoré après la guerre.
L’Exposition coloniale de 1931 au parc de Vincennes « exhibent » des Africains dans leurs « cases originales ». C’est le témoignage du peu de considération à cette époque pour les hommes à peau noire qui sont de race inférieure.
En septembre 1939, on fait de nouveau appel aux « coloniaux ». Quatre sur dix tirailleurs se font massacrés en Bourgogne. D’autres sont faits prisonniers .bien qu’ils aient montré une bravoure redoutable dans les combats, ils sont considérés par les nazis comme des « sous hommes », donc désarmés mais humiliés et abattus.
En ce qui concerne la tuerie de Clamecy, beaucoup de points
demeurent obscurs, le massacre n’ayant, semble-t-il pas, avoir eu de témoins
dans la population, en dehors des autres prisonniers ; les tirailleurs
avaient été rapidement séparés des autres détenus et conduit au camp de
jeunesse aux environs de
Une lettre du Docteur F. Subert du 16 novembre1947 offre un témoignage authentique :
« Monsieur le
Maire,
J’apprends par le
Journal du Centre, la formation sous votre présidence d’un comité prenant à
tâche l’exécution d’une stèle commémorant le massacre en juin 1940 de
malheureux soldats sénégalais dans la plaine de
Cette initiative
reprend le projet de la municipalité dont je faisais partie d’honorer la
mémoire de ces victimes de la barbarie allemande, projet dont la présence
agissante des occupants nous obligeait à remettre l’exécution après leur
départ.
Nous avions envisagé
l’achat et l’aménagement de
Aux 41 tirailleurs
fauchés par les mitrailleuses, (sous l’œil, ne l’oublions pas, des caméras
filmant leur course effrénée sous les balles pour la propagande, comme pour les
scènes de pillage des boutiques par des Français), nous avions aussi les deux
autres « soldats noirs français », assassinés à bout portant et
enterrés sur place dans l’enclos de Bagatelle et à l’inhumation desquels
j’avais présidé quelques mois plus tard.
Je me permets une
suggestion : ne pourrait-on obtenir l’inhumation pour le joindre à ses
frères d’armes et de race, du 44ème tirailleur qui avait pu échapper
au massacre,et s’était réfugié dans les bois du Val des Rosiers, et qui,
quelques jours plus tard, traqué dans une battue, avait été abattu comme une
bête sauvage et enterré sur le territoire de Poil Roty. Nous n’avons pu le
faire exhumer à temps pour le confier à la terre de
Cette lettre du Docteur Subert nous donne des indications précises sur le nombre d’exécutions :
-
41 fusillés sur la plaine de
-
2 abattus sur le terrain de Bagatelle en
juillet 1940, car porteurs de couteaux ou rasoirs.
-
le rescapé de la fusillade de la
pépinière aurait erré plusieurs jours avant d’être abattu « comme une bête
sauvage » et enterré au cimetière d’Oisy, sur la
demande du maire, avec l’accord des occupants, à condition que l’inhumation est
lieu très tôt le matin ou à la nuit tombée.
Les relations faites de l’événement à postériori
sont souvent au conditionnel. Le 24 juin, A.Chavance
écrit sur son « bloc-notes » : « J’apprends par la mairie que les Allemands
auraient fusillé une vingtaine de Noirs près du cimetière. »
La raison de ce massacre donné par R. Bucheton serait
qu’un prisonnier « a mordu de toutes
ses forces un officier S.S. visitant le camp. » Provocation raciste du
militaire ? Geste désespéré du prisonnier ?
Il semblerait que les Africains aient été répartis en deux groupes ; un premier groupe de vingt et un, fusillé en représailles ; le second également de vingt et uns étant désigné pour enterrer les morts du premier. Et qui devant son manque d’ardeur aurait été également exécuté sur place.
Les 43 tirailleurs exhumés de
Leur souvenir se perpétue par le nom d’une rue partant de la rue du port Saint Roch à la route de Surgy ; ainsi qu’un très beau monument dû au sculpteur Robert Pouyaud, inauguré le 20 juin 1948 sur le lieu de leur exécution.
Le massacre des tirailleurs de Clamecy n’est malheureusement pas unique.
Entre Le12 et le 16 juin, vers Maintenon, en Eure et Loir, suite à des combats menés par le 26ème régiment de tirailleurs sénégalais, les prisonniers sont froidement exécutés. le préfet du département de l’époque refuse de signer un acte rendant ces prisonniers responsables de méfaits envers la population. Son nom : Jean Moulin.
Les 19 et 20 juin à Chasselay, au nord de Lyon, une compagnie du 25ème régiment de tirailleurs sénégalais résiste durant plusieurs jours. Lors de la prise des positions, les Allemands achèvent les blessés, conduisent les prisonniers dans un champ où deux chars tirent sur eux à la mitrailleuse et roulent sur leurs corps pour poursuivre ceux qui tentent de s’enfuir. A Chasselay, un « Tata »(enceinte de terre sacrée où l’on inhume les guerriers morts au combat), rassemble les 188 soldats massacrés.
N’oublions pas :
Felvin-Palfart (Pas de Calais) ;
Erquinville et Cressansacq (Oise) ;
Montkermé (Ardennes) ;
Airesnes (Somme) etc.
« Ecoutez-nous,
morts étendus dans l’eau au profond des plaines du Nord et de l’Est,
Recevez le salut de vos camarades noirs,
Tirailleurs Sénégalais.
MORTS POUR
Léopold Sedar
Senghor (Hosties noires)