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Le choléra à Clamecy

 

(d’après des notes manuscrites de Jean Rélu)

 

 

Le choléra existe à l’état endémique en Inde, principalement dans le delta du Gange, et depuis des temps très lointains, bien qu’il ne fasse parler de lui qu’à partir du 18ème siècle. Le développement des transactions commerciales entre les diverses contrées de l’Asie, puis la Russie et la Pologne y contribuèrent largement. Les états européens s’efforcèrent de barrer la route à ce fléau, sur la nature duquel on était très peu renseigné et dont le traitement était livré à l’empirisme le plus complet.

 

Dans une brochure publiée en 1832 par le Docteur Alphonse Bard, médecin à Coulanges sur Yonne, « Idées  générales sur le Choléra Morbus, son traitement préservatif et curatif », l’auteur, qui a soigné plus de 200 cholériques, considère que le choléra est une maladie 

« essentiellement inflammatoire ». Il écrit : « Nous ne pensons pas qu’elle soit contagieuse ; néanmoins nous dirons avoir remarqué que, lorsque cette maladie se déclare dans une maison, il est bien rare qu’elle n’affecte pas toutes les personnes qui l’habitent. » (sic)

 

Les pays européens le font étudier sur les lieux même où il exerce ses ravages par des missions scientifiques, telle celle envoyée en Pologne par le gouvernement français, qui compte parmi ses membres, un Clamecycois, le Docteur François Toussaint Boudard. (cf. l’article qui lui est consacré dans les « personnalités clamecycoises ».

 

Mais le mal parvenu dans des régions où les communications de ville à ville atteignaient une certaine intensité, ne pouvait manquer, en l’absence de moyens prophylactiques, de gagner du terrain chaque jour. Au début de mars 1832, il atteint Londres ; le 26 du même mois Paris

 

Le 2 mai, le premier cas de choléra se déclare à Clamecy. Cette apparition semblait difficilement évitable, étant donné les relations particulièrement actives que le flottage des bois par trains établissait à cette époque de l’année entre Clamecy et la capitale.

 

Pourtant dès les premiers jours d’avril, une commission sanitaire avait été constituée qui s’était occupée sans retard de l’assainissement des rues de l’agglomération citadine et de ses hameaux, et « étendait ses soins jusqu’aux maisons des pauvres, auxquels étaient prodigués des conseils d’hygiène et de secours matériels ».

 

Pour chasser le « mauvais air », on brûlait dans les immeubles, des fagots de genévriers que les hauteurs environnant Clamecy produisent aujourd’hui encore en si grande abondance. Cette croyance aux propriétés hygiéniques et désinfectantes de cette plante était bien ancrée dans la population, surtout chez les flotteurs. Lors de l’épidémie de choléra de 1849, les gens du faubourg de Bethléem se traitaient préventivement chaque matin au lever, avec des « gouttes » d’eau de vie de marc où avaient macéré des baies de genièvre récoltées par les femmes et les enfants en Sembert.

 

C’est donc le 2 mai 1832 que les premiers symptômes se manifestent chez un jardinier du quartier de Choulot (futur terrain de l’usine SPCC), Denis Guidoux, dit Le Blond, qui revenait  d’un voyage aux environs de Coulanges sur Yonne. Le malade décède le 3 au matin. La famille prétend que le décès avait été causé par une indigestion. Mais les autorités imposent une autopsie qui révèle un cas de choléra. Cependant la population continue à manifester son scepticisme sur la nature du mal qui a emporté Guidoux.

 

L’épidémie prend rapidement de l’ampleur, principalement chez les femmes. Du mois de mai au mois de juillet, 206 personnes meurent du choléra : 83 hommes, 123 femmes, 21 garçons et 17 filles.

 

La soudaineté et l’expansion rapide des premiers jours, le dénouement fatal dans des souffrances atroces, le peu d’effet des remèdes sèment l’effroi dans la population. Tous ceux qui en ont la possibilité abandonnent leurs affaires et quittent la ville pour chercher asile dans une ferme ou un hameau peu accessible où la maladie ne s’est pas encore manifestée, et où, dans certains cas, elle sera apportée par ces migrants porteurs de bacille à leur insu.

 

Les réunions du Conseil Municipal sont ajournées. La commission sanitaire avait établi à la mairie, dès les premiers  cas, une permanence de jour et de nuit par quatre de ses membres pour la délivrance de bons permettant aux nécessiteux de se procurer gratuitement chez les pharmaciens, les remèdes dont ils avaient besoin et par l’envoi d’un médecin si sa présence s’imposait.

 

Les trois médecins locaux Marquet, Lachèverie (beau père de H. Marié Davy) et Vallée Paillard se dépensèrent dès le premier jour auprès des malades avec le plus complet dévouement. Le Docteur Vallée succomba même à la tâche. Ses deux confrères furent rapidement débordés ; mais ils trouvèrent des auxiliaires précieux avec les Docteur Bard de Sembert, et Bard de Coulanges sur Yonne. Mais l’aide la plus efficace vint du docteur François Toussaint Boudard qui vint de Paris prodiguer des soins éclairés, apporter à ses confrères l’autorité de l’expérience acquise dans le traitement des cholériques au cours de sa récente mission en Pologne.

 

Le docteur Boudard reste à Clamecy pendant plus de deux mois. Il ne quitte la ville qu’au moment où l’épidémie est en nette décroissance. Avant sa venue, tous les cas de choléra avaient une issue fatale. L’application de son traitement abaissa rapidement la moyenne des décès, malgré l’accroissement du nombre de cas dont le total, d’après Maurice Duviquet, dépassa 1000.

 

La découverte du vibrion cholérique faite par Koch (également découvreur du bacille responsable de la tuberculose) et la création du sérum de Haffkine n’ont pas éradiqué ce fléau.

 

De nos jours, comme en 1832, le choléra est le symbole culturel synonyme de pestilence, famine, guerre ou misère ; il est encore lié à cette bactérie qui, loin s’en faut, n’a pas disparu à l’aube du 21ème siècle ; car son extension est passée au continent africain dans les années 1970, et sur le continent sud américain (Pérou) depuis 1991.

 


© 2005 par Annie Delaitre-Rélu
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