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Texte paru dans le Morvandiau de Paris de novembre 2004.

Alain Colas

(1943-1978)

 

Le navigateur solitaire

 

 

« Je suis dans l’œil du cyclone. Il n’y a plus de ciel ; tout est amalgame d’éléments, il y a des montagnes d’eau autour de moi ». Tel est le dernier appel radio du skipper du Manureva (en tahitien : oiseau du voyage), le 16 novembre 1978, en pleine route du Rhum. Le mystère de sa disparition n’a jamais été éclairci.

 

Alain Colas

 

Le 19 novembre 1994, Clamecy célèbre la mémoire d’un enfant du pays, trop tôt disparu, par l’émission d’un timbre à son effigie avant sa commercialisation nationale. Hommage à un homme, à la mer et à l’eau, élément qui a contribué à la prospérité de cette cité à l’époque du flottage.

 

Né à Clamecy le 16 septembre 1943, issu d’une famille de faïenciers perpétuant une vieille tradition, Alain Colas a fait d’excellentes études au collège de la ville, et sa communion solennelle à la collégiale Saint-Martin le 29 mai 1955. Encore étudiant, il crée le club clamecycois de canoë kayak. Puis il part en Australie où il enseigne le français. En 1966, il rencontre Éric Tabarly qui lui offre son premier embarquement en tant que cuisinier de bord. Mais cela ne le satisfait pas. Devenu navigateur, il est alors critiqué, méprisé par ses pairs qui le surnomment « le Parisien », mais aussi l’un des plus admirés par le public et les médias.

 

Détesté ou adulé, Alain Colas fait un parcours hors normes. En 1972, il est vainqueur de la transat anglaise sur son premier Pen Duick IV en 20 jours, 13 heures 15 minutes. En 1973-74, il est le premier skipper à boucler le tour du monde en 169 jours sur le Manureva. Il est également un précurseur en matière de sponsoring et de gigantisme avec son quatre mâts de 72 mètres : le Club Méditerranée, qu’il a entièrement conçu. 

 

Lors d’une escale à Tahiti, il rencontre Teura dont il aura trois enfants : Vaimiti, Torea et Tereva. Il publie deux livres : Cap Horn pour un homme seul et Tour du monde pour une victoire.

 

En 1975, une chaîne de mouillage lui broie la cheville. Ses ennemis l’enterrent déjà ; mais lui se bat et après vingt-deux interventions chirurgicales il s’engage dans la Transat 1976 qu’il termine deuxième, six heures après Tabarly.

 

En 1978, il s’élance sur la « Route du Rhum ». Le 16 novembre, il a une brève et ultime conversation avec sa compagne Teura.

 

Les gros titres des journaux témoignent du drame : « Inquiétudes pour Alain Colas », « La Marine Nationale déclenche le plan de secours en mer », « le Ministère de la défense annonce l’arrêt des recherches du voilier d’Alain Colas »… Longtemps ses proches attendront au bout du quai de la Trinité sur Mer le retour du Manureva. Dix ans après, son père déclare que son fils s’est échoué, amnésique, sur une île déserte… Teura, elle, le sait mort. Elle dit : « Je ne lui reproche pas d’être mort dans sa passion, mais de nous avoir laissés dans ce monde ».

 

Collision dramatique avec un cargo ? Vague fatidique qui l’emporte ? Nouvelle vie dans un coin reculé de la planète ? Aucune hypothèse n’a pu s’imposer. Mais comme dit l’adage : « Nul n’est prophète en son pays ». Aucune plaque commémorative, aucune rue, aucun monument ne perpétue à Clamecy le souvenir de cet homme hors du commun , épris d’aventure, persévérant et courageux. Seule, la « légende Colas » continue de courir les océans.

 

 

© 2005 par Annie Delaitre-Rélu
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