Comtes et Ducs de
Nevers
La très longue histoire des comtes et ducs héréditaires et
celles des comtes amovibles serait fastidieuse depuis Othe Guillaume au 10ème
siècle à Lois Mancini Mazarini à la fin du 18ème.
C’est une succession de seigneurs très en harmonie avec leur époque : soudards
et chefs de guerre sous la féodalité ; hommes lettrés et savants sous
Nous avons retenu deux d’entre eux, liés à l’Histoire de Clamecy : Hervé de Donzy qui signa la charte d’affranchissement de ses sujets clamecycois en 1213 et Jean de Bourgogne, dit Jean de Clamecy au 15ème siècle.
Hervé de Donzy
Fait partie d’une longue lignée d’hommes de guerre, titulaire de la baronnie de Donzy. Les barons de Donzy et plus tard les comtes de Nevers restèrent les vassaux des évêques d’Auxerre et ainsi soumis à la cérémonie de « l’hommage ».
C’est l’union du baron Hervé de Donzy et de la comtesse Mahaut, fille de Pierre de Courtenay
(l’un des premiers empereurs de Constantinople), qui donna le comté de Nevers à cette seigneurie en 1199. Ce mariage imposé par le baron de Donzy se fait grâce à la médiation du roi de France Philippe Auguste, sous réserve qu’Hervé lui cède le comté de Gien. En effet Mahaut, âgée de huit ans, avait été « promise » au comte de Flandre. Le pape Innocent III jette l’anathème sur le jeune couple sous prétexte que « cette union entre parents était contraire aux lois de l’Eglise ». En réalité les liens de parenté entre Hervé et Mahaut étaient beaucoup trop éloignés pour être un obstacle à ce mariage.
La jeune comtesse Mahaut, très pieuse et très attentive aux dogmes de sa religion, fait de pressantes démarches auprès du Pape qui, fin de compte, lève l’interdit en imposant à Hervé de Donzy, nouveau comte de Nevers, les exigences suivantes : participation aux Croisades contre les infidèles ; fondation de trois monastères ; et séparation momentanée des époux pour « faire pénitence ».
Le couple se soumet scrupuleusement aux conditions
exigées : Hervé participe à la croisade des Albigeois (1209), et accompagné
de son épouse à
Depuis la cession du comté de Gien à Philippe Auguste, le comte de Nevers entretenait une certaine inimitié avec son suzerain. Il ira jusqu’à combattre dans les rangs flamands au cours de la bataille de Bouvines (1214).
En 1212, Hervé achète à Jean de Toucy tous les droits seigneuriaux que celui-ci possède à Toucy, Clamecy, Oisy et Billy.
En 1213, le comte Hervé affranchit ses sujets de Clamecy.
Suit la traduction de cette Charte d’après le texte latin publié par Jean Née de
« Nous,
Hervé, comte de Nevers, persuadé que rien n’est plus conforme à
l’humanité que de laisser vivre librement et d’affranchir de toute espèce de
servitude ceux qui sont sous notre dépendance, et désirant par ces motifs que
nos sujets de Clamecy soient et vivent en liberté, avons ordonné et ordonnons
qu’à l’avenir ils passent leur vie tranquilles, en paix et à l’abri de toute
contrainte ; et ce considérant, avons supprimé et supprimons en totalité
et pour toujours, toute main morte à laquelle ils ont été soumis anciennement
et jusqu’à ce jour, abolition faite des corvées de toute nature ci-dessus
mentionnées, à condition cependant, qu’au lieu de cette main morte, ces mêmes
sujets seront tenus désormais de payer la dîme sur les produits du sol,
savoir : le dixième de la récolte en légumes, en froment, en vin, et
pareillement en toute autre denrée, et pour chaque maison, ils seront obligés
de donner cinq sols d’or à nous ou à nos
ayant-droit et successeurs, laquelle obligation ou
redevance perpétuelle nos précités sujets ont consenti de concert avec nous à
voir mettre en vigueur sans contestation aucune .En échange de cette redevance,
donnons et accordons à nos susdits sujets, ayant leur domicile dans notre ville
de Clamecy, droit d’usage dans les bois vulgairement appelés Montlambert, contenant, pour leur utilité et leur besoin
sept ou huit arpens de terre environ ; lequel
bois tient et est contigu au lieu ou sol et terre de Lucy, près de l’antique
forêt communément appelée forêt de Bèze, dans un chemin ou vallée de laquelle nous
avons fait placer des bornes de division ou de séparation vers la terre ou sol
de Lucy, sur lesquelles bornes se trouvent sculptées nos armes ou armoiries,
tenant d’une part à la terre des religieux ou à l’Abbaye du couvent de Rigny,
d’autre part à la juridiction ou domaine de Bèze, dépendant de notre
propriété ; promettant à nos sujets dudit Clamecy secours et conseil en
toute bonne foi contre quiconque de quelque état, qualité et condition qu’il
soit, osera aller contre ce que nous avons réglé et ordonnons, et afin que
tous, sans exception, le regardent comme certain et inviolable, nous l’avons
sanctionné de notre sceau ; droits de justice réservés à nous et à nos
successeurs. »
« Fait et publié
l’an de grâce douze cent treize. »
Les habitants de Clamecy déchargés en partie du joug de la servitude et affranchis des corvées et du droit de Main Morte s’acquittèrent de « bonne grâce » des charges compensatrices. Pour la première fois, ils se sentent groupés solidairement dans une ville leur appartenant. Pour en bien marquer les limites, ils plantent des bornes qui fixent l’étendue du territoire assujetti à la dîme et formant les limites de la cité ; d’où le nom de « Dixième » donné à cette terre, nom qu’elle conserve encore de nos jours.
C’est durant la croisade en Egypte que le comte Hervé apprend le décès de Pierre de Courtenay, son beau-père. Il s’empresse de rentrer en France pour recueillir son héritage,
notamment les comtés d’Auxerre et de Tonnerre.
La date et les causes du décès du comte Hervé demeurent inconnues. Certains historiens le font mourir dans son château de Saint Agnan (Berry), empoisonné par des affiliés aux hérétiques Albigeois et Vaudois qu’il avait combattu énergiquement. Il repose à l’abbaye de Pontigny (Yonne).
Mahaut de Courtenay, veuve d’Hervé, lui succède en 1223
comme comtesse de Nevers, d’Auxerre et de Tonnerre. Elle se remarie après trois
ans de veuvage avec Guy, comte de Forez. Pendant plus de quarante ans, Mahaut
se consacre au bonheur de ses sujets. Elle aime le Nivernais et les châteaux
qu’elle possède, en particulier celui de Druyes les
belles Fontaines où elle signe
Jean de Bourgogne, dit « de
Clamecy »
Ce surnom rappelle sa naissance au château de Clamecy, le 25 octobre 1415, le jour même où son père, Philippe de Bourgogne, troisième fils de Philippe le Hardi, était tué à la bataille d’Azincourt. Sa mère, Bonne d’Artois, qui résidait au château de Clamecy apprit la tragique nouvelle alors qu’elle allait assister à sa « messe des relevailles » en l’église Saint Martin.
On l’appela également « Jean sans Terre » après que Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, l’eut dépouillé de tous ses biens.
L’épitaphe de sa pierre tombale dans la cathédrale de Nevers nous renseigne sur le sujet :
« Cy repose le corps du très hault
et très puissant Monseigneur Jehan de Bourgogne, duc de Brabant, de Lotrich et Limbourg, marquis du Saint Empire, Seigneur Danners et d’Ostrevant, comte de
Nevers, d’Eu, de Rethel et d’Auxerre, baron de Donzy et de Rosoy,
seigneur de Saint-Vallery, d’Ault et Cayeux sur mer,
des terres de Dille, Jaucour,
Jully,
Ce comte de Nevers eut une vie agitée et malheureuse, entraîné malgré lui dans les luttes sans merci auxquelles se livrèrent Philippe le Bon, Charles le Téméraire, ducs de Bourgogne, et le Roi de France.
Allié par intérêt au duc de Bourgogne, Jean de Clamecy le
servit dans ses guerres contre ses sujets flamands. Il pacifia
En 1465, il prend le parti du roi Louis XI, qui le nomme « Capitaine Général pour les pays du
domaine jusqu’à
Malchanceux dans toutes ses entreprises militaires, Jean de Clamecy n’est pas plus heureux dans ses unions matrimoniales avec ses trois épouses successives…Tous ses déboires ne l’empêchaient pas de mener un grand train de Maison. Il fait édifier le magnifique Palais Ducal de Nevers, que nous admirons encore de nos jours.
Lorsque Jean de Bourgogne revint dans sa ville natale pour y faire sa « joyeuse entrée » en 1481, il fut reçu par les Echevins devant l’église de l’évêché de Bethléem. Après les salutations accoutumées, le Premier Echevin prit la parole :
« Messire très
redouté et naturel Seigneur et Prince, ici sont présents les Echevins et
plusieurs autres de vos Bourgeois, Manants et Habitants de votre Ville de
Clamecy, lesquels connaissant que vous êtes leur droit et naturel Seigneur, et
vous présentent, de leur bon vouloir, et sans aucune force et contrainte, les
Clés des Portes de votre dite Ville, comme bons et loyaux sujets doivent et
sont tenus de faire à leur vrai et naturel Seigneur, et vous requièrent et supplient
humblement qu’il vous plaise de leur faire entretenir et maintenir en leurs
privilèges, libertés et franchises, tout ainsi par la forme et manière que ont
fait votre redouté père et nos Seigneurs, vos ancêtres et prédécesseurs. »
Cette harangue terminée, le Comte répondit qu’il acceptait
de maintenir les privilèges de
Il meurt le 25 septembre 1491. Sa succession est âprement
disputée par ses enfants et petits enfants, les Clèves et les d’Albret, issus
de ses différents mariages, ce qui occasionna de grands troubles dans le
Nivernais.