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Les crues de l’Yonne et du Beuvron

 

 

Mes arrière-grands-parents, puis mon grand-oncle, étaient jardiniers et propriétaires du grand jardin potager qui se trouve actuellement sur le boulevard Misset. Dans les années 1930 à 1950, je revois la haute stature de mon grand-oncle se profiler dans l’encadrement de la porte de la maison familiale, et annoncer : « Ca commence ! Elle est là ! ». Elle, c’était la crue quasi annuelle du Beuvron, qui envahissait les prés de la « Ferme des Prés », le jardin potager et les caves des maisons bordant le Boulevard Misset. A l’appel de notre oncle, harnachés de bottes et de cuissardes, nous courions au jardin pour enlever les châssis vitrés, les cloches de verre, les pots de fleurs, les instruments emmagasinés dans les caves. Ces crues duraient de huit à dix jours avant de décliner lentement au grand soulagement des riverains. Mais j’ai toujours soupçonné mon oncle, qui pratiquait la « culture bio » avant la lettre, de ne pas être franchement hostile à ces montées d’eau d’hauteur raisonnable, fournissant un limon fertilisant naturellement sa terre.

 

Clamecy a connu pas mal d’inondations désastreuses. La première, dont le souvenir est demeuré longtemps gravé dans les mémoires de ceux qui en furent témoins, est celle du 13 mai 1779, qui inonda toutes les parties basses de la ville et des pays environnants, causée par le débordement des deux rivières Yonne et Beuvron à la suite de pluies très abondantes et continues depuis le commencement du mois.

Les suites de ce désastre n’ont été égalées peut être dans leur étendue et leurs résultats que par celles de l’inondation du 4 mai 1836 où les pluies continuelles et torrentielles du début du mois se conjuguent avec la fonte des neiges récemment accumulées dans le Haut Morvan. Toutes les parties basses de la ville sont recouvertes à une hauteur de 50cm. La communication entre les deux Faubourgs de Bethléem et du Beuvron est coupée. Les bois amassés en dépôt sur les ports sont enlevées par piles entières et entraînées par un courant irrésistible, s’accumulent en masses énormes en avant du vieux pont de Bethléem, qui les retient, mais en est bientôt ébranlé. Cet arrêt, formant obstacle à l’écoulement des eaux, en accroît la masse et l’impétuosité pour les propriétés submergées. Arrachées à leurs ateliers, les trains de bois en confection sont précipités sur les quais et dans les rues. Le cours du canal lui-même, confondu avec les eaux des deux rivières, rompt ses digues. La ville basse n’est plus qu’une immense nappe d’eau , entraînant tout sur son passage, sous le regard effrayé de la population qui ne peut conjurer les effets de ces dévastations.

 

Depuis cette époque, d’autres crues sont venues avec une périodicité décennale : 18 octobre 1846, 25 septembre 1866. Cette dernière, malgré son importance, laissera moins de traces que la grande et interminable inondation de 1836. Ce fléau des inondations, fréquent dans les temps anciens et toujours dû au débordement des rivières Yonne et Beuvron, semblait être une fatalité. Il fallut le désastre de l’année 1910 à Paris, dont l’Yonne était la principale responsable, pour que des mesures soient envisagées. Cependant, il faudra attendre 1950 pour la création du barrage-réservoir de Pannessière qui améliora les effets du lac des Settons, construit en 1861, et celui de Chaumeçon, financé à titre de dommage de guerre par l’Allemagne, suite aux hostilités de 1914-1918.

 

A noter parmi les catastrophes naturelles subies par Clamecy, l’orage d’une violence inouïe accompagné de grêle qui éclata le 2 juillet 1804 sur la commune et causa dans la ville et son territoire des ravages et des pertes de toutes natures. La grêle brisa les toits et les vitres des maisons, ainsi que la toiture et les vitraux de la collégiale Saint Martin.


© 2005 par Annie Delaitre-Rélu
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