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Les fêtes civiques à Clamecy

pendant la Révolution de 1789

 

 

F

ouché, représentant du peuple, arrive à Clamecy dans la soirée du 15 août 1793 ; et les réjouissances commencent aussitôt avec salves d’artillerie et discours. Le lendemain 16, une fête civique a lieu dans le Pré-le-Comte, qui, à cette occasion est rebaptisé « Pré Fouché ». Des jeunes filles dansent au son du canon et Fouché allume un bûcher « consument les monuments de l’orgueil nobiliaire et sacerdotal ».

 

Le lendemain 17, une grande réunion se tient dans la ci-devant église Saint Martin où l’ex-curé de Rix, Parent l’aîné, propose à Fouché d’inaugurer dès le dimanche suivant l’enseignement d’une « nouvelle religion universelle » et s’offre d’en être « un des prédicateurs ». Fouché apprécie beaucoup la harangue de Parent et lui décerne le titre de « Apôtre de la Liberté ». Le représentant du peuple quitte Clamecy le 17 août.

 

Sa visite produit un effet surprenant sur les dirigeants de la ville, qui renient alors leurs noms de baptême et s’approprient les noms de personnages de l’Antiquité grecque ou romaine, avant même l’adoption du nouveau calendrier républicain : Bias Parent, Diogène Tenaille, Epaminondas Brenin, Metellus Duviquet, Tibérus-Gracchus Bonhomme etc…Cet engouement gagne les femmes et l’on voit  fleurir des Lucina, Fabricia, Lucrèce, Tisiphone,(nom choisi par la redoutable épouse de Diogène Tenaille) 

 

Un nouveau Comité Central prend le pouvoir. Son premier soin est d’épurer la Société Populaire, devenue à leurs yeux tellement rétrograde qu’ils la désignaient sous le nom de la « Vendée ». Bias Parent devenu Agent National du District, se charge de diriger le pillage du local de la Société et en brûle tous les papiers, les livres et le matériel. Dans la foulée, il fonde dans l’ancien faubourg de Bethléem devenu « faubourg des Sans Culottes », un « club » du même nom qu’il installe dans l’église du ci devant évêché. Naturellement les membres de ce nouveau club sont soigneusement choisis par les membres du comité, et les devancent parfois dans les mesures à prendre contre les suspects.

 

L’un des plus acharnés était Manlius Pilavoine, flotteur de son état, également appelé « Mange-avoine ». C’était l’homme de confiance de Diogène Tenaille, qui s »en servait dans les cérémonies comme garde du corps : il était effectivement taillé en Hercule. Une de ses interventions au club des Sans Culottes, bien que simpliste, est passé à la postérité : « Citoyen président,voici ce qu’il faut pour fonder une République : d’abord que le sang coule dans les rues comme quand il pleut bien fort, et ensuite que l’herbe pousse comme dans un champ de blé »…

 

Le 23 octobre 1793, Fouché ordonne de « dépouiller toutes les églises, chapelles et châteaux de leurs cloches et de ce qui se trouvait de précieux au profit de la Monnaie de Paris. L’église de l’évêché de Bethléem remit toute son argenterie.

 

Le nouveau culte de l’Etre supr^me comportait l’observation rigoureuse du « décadi » remplaçant le dimanche ; et chacun de ces 36 décadis était une fête honorant à tour de rôle la Patrie, la Vieillesse, la Jeunesse, l’Agriculture, etc. Certaines fêtes nationales légalement chômées complétaient cette liste impressionnante de solennités révolutionnaires : le 14 juillet,  prise de la Bastille, le 10 août, chute de la royauté, le 21 janvier, anniversaire « de la justice punitive du dernier roi des Français ».

 

Le cérémonial était immuable. Les cortèges partaient du Tribunal (ancien château) près de l’ex-église St. Martin. Ils étaient composés de toutes les autorités de la ville, escortées de citoyens armés de piques et formés en compagnies ; puis venaient les chœurs de chants et la foule.

 

La première station se faisait à l’Arbre de la Liberté planté sur la place des « Sans Culottes », de l’autre côté du pont de Bethléem. Là, on chantait la Marseille ; au dernier couplet, les hommes se découvraient et toute l’assistance s’agenouillait.

 

La seconde station avait lieu sur la place des Barrières (actuellement place Emile Zola) où l’on chantait un hymne autour de l’autel de la Patrie.

 

La troisième station avait lieu en haut du Marché autour de la statue de la Liberté.

 

La quatrième station  se situait à la « Montagne », tertre de terre érigé en haut du Crôt Pinçon, de l’autre côté de la route où s’élève actuellement la colonne de 1851.

 

La dernière station était le « Temple de la Raison » (ci-devant église Saint Martin) où étaient prononcés plusieurs discours et chanté un hymne à la gloire de la République. Pour clôturer la fête, « on dansait au son de la musette, rondes et bourrées ».

 

Tout cela n’empêchait pas que la Terreur règne à Clamecy avec toutes ses rigueurs à l’égard des suspects.


© 2005 par Annie Delaitre-Rélu
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