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Le Grand Flot :

tirage, tricage, empilage

 

 

D

ès l’apparition des premières bûches sous le pont de Bethléem, le faubourg était en émoi : les « picots » sortaient des greniers et les flotteurs gagnait les ports de « tirage » pour y organiser les « âquiers » (ateliers). Le tirage devait être effectué très rapidement pour diminuer le nombre de bûches coulant au fond : les « bois canards ».

Les bois arrivés aux ports de tirage étaient retenus. Pour ceux au dessus d’Armes et de Clamecy, les arrêts étaient constitués par les pertuis que l’on « bâclait » au moyen d’aiguilles en bois. Pour le pertuis de La Forêt, on construisait un barrage transversal de pieux  contre lequel venaient s’arrêter les bûches à la dérive. Les flotteurs des ateliers établis sur les deux rives s’efforçaient à l’aide des picots de sortir les bûches et les empiler en arrière de la zone de tirage parallèlement à la rive. Chaque atelier de 20 à 30 mètres de longueur comportait 8 à 10 hommes occupés, les uns à tirer les bûches sur la berge, les autres à les transporter sur des brouettes spéciales et à former des piles en arrière du chantier.

 

Les bois tirés, on procédait au triage des bûches et à leur classification par marques des différents propriétaires. Ce travail appelé tricage était fait avec le concours des femmes et des enfants, ce qui laissait disponible un certain nombre d’hommes pour procéder à l’empilage définitif par marques.

 

Les piles devaient s’élever perpendiculairement au cours de la rivière, c'est-à-dire en éperon à dix huit pieds du bord, conformément au règlement précis de l’ordonnance de 1672 qui en fixait la hauteur, la longueur et l’espacement, dûment vérifiées par les garde ports avec leurs règles de 3 mètres de longueur. Cet empilage était un véritable art dans lequel s’étaient spécialisées certaines familles de flotteurs, dont les noms (Lault, Seutin, Gacon) sont restés dans la mémoire de ceux connurent les dernières années de l’exploitation du flot à bûches perdues. L’uniformité du rangement facilitait l’examen de la qualité et de la quantité fait par les marchands de bois.

 

Clamecy était devenu véritablement la « Bourse du commerce du bois flotté. C’est sur ses ports que se fixaient les cours. L’importance des flots semble avoir atteint son point culminant durant la période 1789-1816. A partir de 1821, la houille remplace le bois dans les foyers ouvriers parisiens. L’extension de la production du coke, combustible bon marché, fait bientôt du bois flotté, un combustible de luxe.

 

Après la guerre de 1870, les ports clamecycois ne reçoivent plus que 100 000 stères au lieu de 848 000 stères en 1804. Seuls restent exploités « le Pré aux Oies » et « le Port des Laines » Le flottage voit sa régression au fur et à mesure du perfectionnement apporté à Paris au chauffage des appartements parisiens par l’extension du chauffage central.

 

En conclusion, donnons la parole à M. Charles Milandre, érudit local et ancien enfant de Beyant, à qui cet article doit beaucoup :

« Le pont de Bethléem vit, durant l’hiver 1923, passer le « dernier flot » venu du Morvan ; les progrès et la science avaient tué une industrie locale plus de cinq fois centenaire, bien que son économie ne se soit pas démentie un seul jour durant la longue période de son exploitation ».


© 2005 par Annie Delaitre-Rélu
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