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Jules Renard

(1864 – 1910)

L’homme au sourire pincé

 

 

Jules Renard interrogé sur son pays répond : « Il y a un canal ; un peu plus loin, il passe sous des tunnels ». Cette description est  sommaire pour évoquer la Haute vallée de l’Yonne qui suit le canal du Nivernais, une belle rivière vagabonde dans de grasses prairies.

 

Chitry les mines est un petit village qui, en dépit de son nom, n’est pas un pays noir. Sur l’Yonne, on a pratiqué le flottage des bois ; et les mines de Chitry ont été des mines d’argent que l’on extrayait du plomb. Leur emplacement était proche de la « Gloriette », maison de Jules Renard à Chaumot.

 

Né dans la Mayenne en 1864, Jules a deux ans quand sa famille revient à Chitry. Tous ses biographes s’accordent à juste titre pour dire que de son enfance malheureuse va naître le meilleur de son œuvre.

 

En 1888 -89, au milieu de la plus noire des misères, Renard écrit son premier livre, « Les Cloportes «  qui ne sera publié qu’après sa mort. La famille Lerin ressemble singulièrement à la célèbre famille Lepic de « Poil de Carotte », qui, elle-même, est un « concentré » de la famille Renard.

 

Madame Renard est bavarde, dépensière, sans ordre et « bigote », ce qui exaspère son mari foncièrement anti-clérical. Elle n’aime pas son dernier enfant, Jules, dont elle n’a pas souhaité la naissance.

 

En 1902, J. Renard écrira à l’acteur Lucien Guitry : « Savez-vous comment ma mère appelle l’auteur de ces trois petits actes : « Poil de Carotte », « Plaisir de rompre », et « Pain de ménage » ? Le chieur d’encre !

 

Monsieur François Renard, maire de Chitry-les–Mines, est d’un caractère opposé à celui de sa femme, renfermé et silencieux. Il a cessé depuis trente ans de parler à son épouse. Curieux couple qui dialogue par personne interposée : « Lucien, dis à Monsieur Renard de te verser à boire ». « Lucien, tu n’as plus de tarte. Demande à Madame Renard de t’en couper une part. »

 

Madame Renard inspire à son fils une espèce de peur physique, une peur d’imagination qu’il gardera toute sa vie. Jamais il n’eut avec elle une seule seconde d’abandon.

 

La maison des Renard sera le témoin de deux drames. Monsieur Renard gravement malade se suicide en 1897 en se tirant un coup de fusil dans le cœur. Son fils est « plein d’admiration et de respect pour cette mort » qui mettait fin à une existence silencieuse et moralement douloureuse.                                                                                                            

 

Madame Renard, à la fin de sa vie, présente des troubles mentaux intermittents. Elle se noie en 1909 dans le puits de sa maison : « Par accident, je crois, » dira Jules Renard.

 

En 1888, il épouse Marie Morneau, dite Mariette, dont la dot lui apporte une aisance qui le sort d’années difficiles. Ce mariage est une réussite. Le succès de ses livres, « L’Escornifleur »(1892), « Poil de Carotte »(1893), les « Histoires Naturelles », lui permet d’aller vivre à la campagne à Chaumot, où il sera conseiller municipal, avant d’être maire de Chitry-les-Mines.

 

Son attirance pour les doctrines socialistes sont connues ; mais très honnêtement il écrit : « Mon hérédité bourgeoise et mes habitudes d’homme pour qui l’art est tout de même un métier, font que je n’ai pas le courage de rompre ces chaînes. »

 

Il écrira dans son « Journal » : «  Nous voulons le collectivisme pour le château d’en face, pas pour notre petite maison de campagne. »

 

Entre sa vigne et ses arbres, il commence à rédiger son « Journal », successions de réflexions plaisantes ou cruelles sur la société de l’époque. Ses administrés se retrouvent sans plaisir dans ses livres ; ils redoutent qu’il les « mette » dans « L’Echo de Clamecy » dans lequel il écrit régulièrement. Ce qui lui fait dire : « Je vois très bien mon buste sur la place de l’ancien cimetière avec cette inscription – A Jules Renard, ses contemporains indifférents – ».

 


© 2005 par Annie Delaitre-Rélu
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