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Hippolyte Marié-Davy

(1820-1893)

 

Pionnier de la prévision du temps

 

L

e délai de réflexion que l’on s’accorde à Clamecy avant de rendre hommage aux personnalités qui y sont nées relève presque de la canonisation… Seul Romain Rolland put, à la faveur du Front Populaire, assister à l’inauguration de plaques concernant sa maison natale et la rue dans laquelle elle est située.

 

Hippolyte Marié-Davy n’eut pas cette chance. S’il reçut peu de temps avant sa mort l’hommage de la ville de Paris qui lui consacre une rue à proximité de l’observatoire du Parc Montsouris, la municipalité de Clamecy attendit 1911 pour donner son nom à la Grande Rue de Bethléem ; et la plaque commémorative de sa maison familiale suivit… en 1929.

 

Né en 1820 dans l’échoppe de son père cordonnier (actuellement une charcuterie), Hippolyte Marié est un brillant élève du collège de Clamecy, puis du lycée de Moulins, et enfin boursier au collège Rollin à Paris. A vingt ans, il a ses baccalauréats ès lettres et ès sciences, et prépare les concours de Polytechnique et de Normale Sup-sciences. Il est reçu premier à ces deux concours et choisit de rentrer à Normale Supérieure, ses origines modestes ne lui permettant pas d’intégrer Polytechnique et d’y faire socialement bonne figure… Sorti premier de sa promotion à 23 ans, il est nommé professeur au lycée de Saint-Étienne. Un an plus tard, il devient un brillant agrégé de sciences physiques et mathématiques, se marie à Clamecy avec Joséphine Davy-Delacheverie. Cette alliance d’un fils de cordonnier et d’une fille d’un médecin qui s’illustra, il est vrai, lors de l’épidémie de choléra de 1832, justifie sans doute l’adjonction du nom de l’épouse à celui de l’époux.

 

Nommé au lycée de Rouen, Marié-Davy prépare et obtient son diplôme de Docteur ès sciences physiques. L’année suivante, à 25 ans, il est nommé avec dispense d’âge professeur à la Faculté des sciences de Montpellier. Loin d’être chahuté par ses étudiants, souvent plus âgés que lui, ceux ci l’admirent et respectent ce maître exceptionnel qui, parallèlement à ses cours, fait sa Médecine. Reçu Docteur, il cumule les fonctions de professeur à la Faculté des Sciences et professeur à la Faculté de Médecine de Montpellier, la plus ancienne d’Europe.

 

Lors du coup d’état du prince Louis Bonaparte en 1851, l’insurrection de Clamecy oblige le Docteur Davy-Delacheverie à fuir en exil. Marié-Davy, pour se rapprocher de son beau-père, sollicite un poste de simple enseignant à Paris au lycée Bonaparte (aujourd’hui lycée Condorcet), ce qui réduit son prestige et ses émoluments. Mais pour un scientifique de cette trempe, la notoriété et les avantages matériels ne pèsent pas lourd face aux devoirs envers la Famille. C’est de cette époque que datent ses études sur l’électricité au cours desquelles il invente une pile au bisulfate de mercure qui porte son nom et fut longtemps utilisée par l’administration des télégraphes français. Expérimentée pour la première fois par notre corps expéditionnaire lors de la guerre d’Italie et de la bataille de Solférino (1859), où s’illustra Henri Dunant, fondateur de la Croix Rouge, cette pile rendit de tels services que Napoléon III appela l’inventeur à la fin de la guerre et lui demanda quelle récompense il souhaitait. Le savant répondit simplement : « Sire, je suis fonctionnaire et, comme tel , mon temps appartient à l’État. Je n’ai donc rien à lui demander ».

 

 

Les publications de Marié-Davy attirent l’attention. En 1862, il est nommé astronome à l’observatoire impérial de Paris. Le Verrier, directeur, lui demande de tirer parti des documents météorologiques qui s ‘accumulent inutilement, et d’étudier la prévision du temps. En 1866, le service d’avertissement aux ports est fondé. Cet organisme met en garde quotidiennement les ports de mer contre les perturbations atmosphériques menaçantes, évitant aux navires des départs dangereux, et aux pêcheurs des sorties hasardeuses.

 

Ce n’est pas une mince besogne de créer de toutes pièces un tel service, sans aide ni appui officiels auprès des autorités navales, tout en subissant les brimades stupides du directeur de l’observatoire de Paris, le célèbre Le Verrier. Il faut créer des stations météorologiques et obtenir des informations rapides à une époque où la radio et l’aviation n’existent pas. C’est un véritable tour de force qu’accomplit Marié-Davy. Il établit les bases des grands mouvements de l’atmosphère, les causes de leurs formations et de leurs déplacements, non pas avec une certitude absolue, mais avec des approximations approchant de plus en plus près la réalité, dès cette époque ; une précision que l’instabilité des éléments ne permet encore pas à l’heure actuelle.

 

Marié-Davy est victime de l’ingratitude et des exigences de la politique. Malgré tout, l’importance de son œuvre s’impose et aboutit à la création de l’Office National de la Météorologie (O.N.M.) dont on ne lui confie pas la direction…

 

Mais en 1872, il est nommé directeur d’un établissement nouveau, mi-national, mi-municipal : l’observatoire de Montsouris, qu’il porte à une grande notoriété en France et à l’étranger malgré l’hostilité ouverte du gouvernement. Il conservera cette fonction jusqu’à son départ en retraite en 1886. Parallèlement, Marié-Davy, infatigable chercheur, fait progresser la science dans les domaines du magnétisme, de la médecine et de l’agriculture. Certes, ses découvertes ont été dépassées ; les hommes de science n’ont pas la notoriété des littéraires, surtout lorsqu’ils allient modestie et probité.

 

Marié-Davy prend sa retraite à Dornecy, près de Clamecy. Il y meurt en 1893 et repose dans le petit cimetière sous une dalle anonyme, où ne pourraient pas figurer tous ses titres : Docteur en Médecine, docteur ès sciences physiques et mathématiques, membre du conseil de la Société des Agriculteurs de France, membre fondateur de la Société centrale de sauvetage des naufragés, fondateur et président de la Société française d’Hygiène, membre de la société française de météorologie, Vice-président de la Société de médecine publique ; en outre membre correspondant de l’Institut et du Bureau des longitudes, du Sanitary Institute de Grande-Bretagne, de la Société Royale de médecine publique de Belgique, etc.

 

Avant tout, il demeure le modèle caractéristique du savant désintéressé, modeste, loyal, intègre, ayant voué sa vie à son pays et aux siens.

© 2005 par Annie Delaitre-Rélu
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