Maurice Mignon
(1882 - )
Nivernais et grand
universitaire
Il n’était pas rare dans les années cinquante, durant les mois d’été, de rencontrer dans la rue du Grand Marché de Clamecy et les ruelles environnantes, une silhouette très haute et droite, impressionnante, en dépit du visage éclairé par un regard profond et « en éveil ». Il s’agissait de Maurice Mignon, propriétaire du château de Pressures, un universitaire et humaniste, dont l’œuvre immense quelque peu oubliée mérite d’être évoquée, même lacunaire.
Maurice Mignon était né le 9 août 1882 à Prémery ; mais il fit ses études au collège de Clamecy, puis à Nevers. Il obtient trois licences : lettres, philosophie et langues vivantes. Il est reçu simultanément à Normale Supérieure et à l’agrégation, cas unique, puisque ces deux concours marquaient alors l’entrée et la sortie de l’Ecole.
Les cours suivis à l’Ecole Pratiques de Hautes Etudes de
En 1919, il part à Rome en tant que professeur agrégé
étranger dans cette université très cotée ; puis comme conseiller culturel
au Palais Farnèse, (ambassade de France).
Il crée et dirige le lycée français Chateaubriand ; l’année
suivante, il fonde
A la suite de quoi, il revient en France, auréolé du prestige de ses réalisations romaines et d’une grande renommée d’humaniste.
Il est chargé de cours à Grenoble, Aix et… Bucarest. La
valeur de son enseignement attire un public nombreux et assidu. Son goût pour
la littérature italienne le fait rechercher la maison de Pétrarque qu’il
découvre à Vaucluse et y fonde
De même il crée
Et enfin, il réalise son rêve : la fondation du Collège International de Cannes, qui attire des étudiants de tous les pays européens et des Etats-Unis. Cette œuvre concrétise son vœu le plus cher : permettre des rencontres et des échanges entre les jeunes du monde entier.
Cette activité inlassable de professeur, conférencier, administrateur et aussi poète, nécessite un havre de paix où il peut « se ressourcer ». Il le trouve aux portes de Clamecy, dans ce manoir de Pressures, au milieu d’arbres centenaires.
Ce séjour de vacances, toutefois, laborieuses, lui permet de magnifier les écrivains du terroir nivernais tels Adam Billaut, Claude Tillier, Jules Renard, Colette, Achille Millien, Henri Bachelin et naturellement Romain Rolland.
Pour honorer la mémoire de ce dernier, actuellement au
« purgatoire », Maurice Mignon prononce deux allocutions
émouvantes ; la première lors de l’inauguration de la plaque commémorative
sur la maison de l’écrivain à Vézelay, le 24 août 1947 ; la seconde lors
d’une cérémonie intime au cimetière de Brèves, le 22 octobre 1947, pour le
premier anniversaire de l’inhumation définitive de Romain Rolland auprès de ses
aïeux. On retrouve Maurice Mignon dans le même cimetière, le dimanche 24
octobre 1954, où l’on commémore le dixième anniversaire de la mort de l’auteur. Et il sera souvent présent à cette
manifestation devenue rituelle dans le cadre de
Lors de l’inauguration du « Collège Romain Rolland », il captive son auditoire en évoquant le petit garçon de cinq ans franchissant pour la première fois la grille de cet établissement, serrant la main de son grand-père Edme Courot, notaire à Clamecy.
Une excursion à Saint Sauveur en Puysaie, le dimanche 22 septembre 1957, dans la maison de Colette, nous vaut une nouvelle conférence de M. Mignon, qui brosse un brillant tableau de la jeunesse et de la vie de la grande romancière, son amie.
Le 17 juin 1956, à 10 heures,
A la fin d’un plantureux repas servi à l’hôtel « Beau
Séjour », Maurice Mignon dédie à M. M. Subert et
Gautron de Coudray, un
poème cosigné avec sa sœur Alice Charlon, dont
voici des extraits. Pour les
« conservateurs », l’intégral se trouve dans le bulletin de
« Dans tous mes périples lointains
On m’a
dit : votre Nivernais
N’a
vraiment rien qui vaille.
Pas
de guerriers dont le harnais
Pourfendait d’estoc et de taille,
Ni
politiques en renom,
Ni
musiciens connus du monde.
Ni…Hola ! Messieurs ! Pardon !
Nivernais l’oncle Benjamin
Rêvant aux roseaux de Pressures.
Nivernais ce tendre gamin
Poil de Carotte, qui mesure
L’amertume de son destin.
Nivernaise la truculence
De
ce joyeux Colas Breugnon
Qui
fit la nique à l’existence
Par
son humour et sa raison.
Nivernaise aussi l’analyse
Des mœurs cachées du paysan,
De
sa vie secrète, surprise
Par
Bachelin, fils du Morvan.
Franc Nohain, si spirituel,
N’est-ce
point à nous qu’il a dû
D’être railleur, mais non cruel ?
C’est un Nivernais de bon cru !
Notre Société abrite
Depuis déjà quatre-vingt ans,
Beaucoup de noms dont le mérite
Doit s’affirmer avec le temps.
Notre musée a le même âge ;
Nous célébrons leurs noces d’or,
Car
tous deux font bon ménage
Et poursuivent le même
effort.
Peut-être sont-ils trop modestes :
C’est dans la ligne de chez nous !
Mais
lorsque tout déchire, ils restent
Vivants malgré le temps jaloux…
Maurice Mignon oeuvra à la création de l’université de Nice
– Sophia Antipolis,
instituée le 23 octobre 1965, dont la devise actuelle « Passerelle vers le savoir et
l’innovation » aurait plu à l’un de ses fondateurs ; de même que
la très récente ouverture de l’Ecole Supérieure en Sciences informatiques.
Au fil des années, il reçoit « honneur et gloire »
selon cette formule très nivernaise ! Officier de
Son dernier vœu : reposer en terre nivernaise ;
vœu exaucé dans le vieux cimetière des « Six Journaux » à Clamecy,
sous une dalle de granit moussue.