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Père Janvier et Père Fouettard

 

 

Nous, les anciens de souche morvandelle, avons connu un Morvan isolé, inconnu de la plupart des français, qui voyageait peu ignorait tout des contrées éloignées des grands axes de circulation. Ceux qui, par hasard, le traversaient, étaient rebutés par son air sauvage, sa pauvreté, ses habitats délabrés et ses routes défoncées.

 

Le Morvan des années 1930 avait un peu évolué, sans oublier ses traditions et ses coutumes. A cette époque, le Père Noël était boudé par la majorité de la population, qui célébrait le Père Janvier.

 

Ma grand-mère paternelle respectait cette coutume ancrée depuis des siècles. En ce qui me concernait, après avoir bénéficié des largesses du Père Noël, j’attendais le Père Janvier.

 

C’était un bonhomme mystérieux, voire austère : grande robe et capuchon de bure marron délavés, visage maigre cachant peut-être un sourire sous sa longue barbe poivre et sel, le corps décharné. Ce vieillard courbé sous le poids d’une immense hotte en osier, avait les mêmes attributions que le Père Noël : distribuer des étrennes en passant par les cheminées.

 

Il était fâcheusement accompagné par le Père Fouettard, tout petit, le visage vérolé, hargneux, qui traînait un sac de toile garni de verges, ces dernières étant remplacées dans les années 1930, par de redoutables martinets !

 

Après le 25 décembre, mes cousins et moi partions à la recherche de houx garnis de boules rouges, de gui arrachés aux vieux pommiers et dont les baies opalines ressemblaient à des

Perles, de quelques branches de sapin. Nous voulions honorer notre visiteur en décorant la cheminée de la chambre de ma grand-mère où le foyer n’était jamais allumé. Elle était en marbre noir veiné de blanc, et fort triste : d’où la nécessité de l’égayer un peu. Nous tressions les branchages et y fixions qui et houx. Nous pendions quelques uns de nos plus beaux, ce qui ne pouvait manquer de séduire le Visiteur.

 

Enfin nous déposions nos galoches devant les chenets, où nous avions glissé un message plein de tendresse pour le vieux bonhomme, en lui précisant bien le jouet que nous avions choisi, objet unique, car le Père Janvier détestait les enfants avides, insatiables, à qui il n’apportait   rien. Ce choix difficile se faisait dans les catalogues des grands magasins parisiens, le Bon Marché ou la Samaritaine, qui arrivaient par la poste à la mi-novembre, preuve que le Morvan n’était pas totalement inconnu !

 

La nuit du 31 décembre était l’une des plus longues de l’année ; et le 1er janvier, le jour le plus ennuyeux, où très tôt le matin nous faisions la tournée de la parentèle pour présenter nos vœux de Nouvel An.

 

J’attendais impatiemment la dernière visite chez ma grand-mère où m’attendait le jouet désiré,  parfois accompagné d’un paquet de bonbons fondants ou d’une mandarine. La traditionnelle accola de se faisait sous la boule de gui que l’on appelait « bois de la Sainte Croix », considérée comme gage de bonheur depuis l’Antiquité. Les Gaulois faisaient de sa cueillette une véritable cérémonie, l’appelaient « la plante qui guérit tout » : et les Druides formulaient des incantations et des prophéties qui ne manquaient jamais de se réaliser… Même de nos jours, elle garde encore ce côté « petite sorcière ».    

 

Toutes ces traditions d’un autre âge, ces instants de bonheur, notre famille les fait revivre ; et je retrouve ma jeunesse en voyant la joie de mes petits enfants.

 


© 2005 par Annie Delaitre-Rélu
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