Vous avez dit Ramponneau…
S |
i vous interrogez votre entourage pour savoir ce que lui
suggère le mot « ramponneau »
La plupart resteront muets ; quelques bricoleurs nommeront un marteau de tapissier ou un petit couteau ; les bagarreurs parleront d’un coup de poing ou d’une bourrade ; des mateurs de brocante penseront à l’ancien jouet sous forme de « culbuto ». Quelques Parisiens se souviendront d’une rue… Mais à quel endroit ? Ils auront raison, car même si leur mémoire est défaillante, une telle rue existe, baptisée en 1867 du nom de Jean Ramponneau, qui avait
tenu une célèbre guinguette dans les parages.
Le Nivernais Ramponneau était natif de Vignol en 1724, où on ne voit plus guère de vignes depuis leur destruction par le phylloxéra. Le vin local a pris comme patronyme celui de Tannay, dont on aperçoit les vignobles sur le rebord opposé de la vallée de l’Yonne.
Les biographes de Ramponneau, d’ailleurs peu nombreux,
disent qu’il est naturel pour un fils de tonnelier de monter à Paris pour se
faire marchand de vin. Il eut peut-être été plus normal que le dit Ramponneau
dans les années 1740 se fit racoler dans les gardes françaises ; auquel
cas, au lieu d’être le patron au « Tambour Royal », il aurait été
client, tambour peut-être, à la caserne voisine de
Au coin des rues de l’Oreillon et Saint Maur, au numéro 160,
existait de longue date un cabaret installé au milieu de marronniers, d’où son
nom des « cabaret des Marronniers », très en vogue pour ses jeux de
bagues, d’escarpolettes et sa diseuse de bonne aventure…C’était un lieu de
rencontre recherché ; Beaumarchais
y fait allusion lorsque Suzanne y donne rendez-vous au
comte Almaviva dans le « Mariage de
Figaro ». Il devient la propriété de Jean Ramponneau qui l’exploite sous
l’enseigne du « Tambour Royal ». Des fresques rudimentaires
représentent le patron en Bacchus à cheval sur un tonneau, ou entre
« l’Amour » et «
« Voyez
Qui sert de trône à monsieur Ramponneau »
L’astucieux cabaretier vendait la pinte de vin, un sou moins cher que ses confrères de
la barrière de
En 1765, un montreur de marionnettes nommé Gaudron veut utiliser à son profit, la vogue de cabaretier
en lui proposant de s’exhiber sur ses planches pendant deux mois, moyennant
Voltaire écrit pour le cabaretier, qui d’ailleurs ne lui avait rien demandé, un plaidoyer comique, qui est loin d’être un chef d’oeuvre.
La mode est à Ramponneau ; il y a des vêtements, des bonnets Ramponneau ; un jeu »culbuto » que l’on fait descendre sur un plan incliné. On le met en chansons, dans les almanachs, en gravures agrémentées de couplets bacchiques.
Ramponneau cède le « Tambour Royal » à son fils
aîné et va s’installer aux Percherons où il rachète la « Grande
Pinte », (emplacement actuel du square de
Il y renouvelle l’expérience du vin blanc à 3 sols et demi la pinte, au lieu de 4 sols et demi comme il coûte ailleurs. C’est un petit vin « guinguet » qui fait « guinguer »(dire des bêtises). Et l’on chante :
« Vive le vin de Ramponneau
C’est du nectar
en perce ! »
La salle de son restaurant, agrandie en 1778, pouvait
contenir 600 personnes : maraîchers, rouliers, ouvriers, gardes
françaises ; mais aussi de grandes dames, ( telle Madame de Genlis, future
gouvernante du futur Louis-Philippe), déguisées en soubrettes, friandes de
venir s’encanailler avec de robustes ouvriers ou de beaux militaires.
« C’est là
qu’un robuste plaisir
N’a jamais eu
le temps de languir
Ton
bruyant, gros ris, cris et tapages
Sont lippés et
grand bavardage.
La
chanson et le quolibet,
Les tons aigus du coup d’archet,
De vinot le pot
ou la pinte
Que l’on vide là sans contrainte.
Tout cet ensemble divertit
Qui n’a souvent sol, ni crédit. »
Les Percherons-chant VII
Pour faciliter la nuit le retour dans Paris des buveurs, les femmes leur vendaient à la sortie du cabaret, des torches faites de bouts de corde imprégnés de poix et de résine ; ce qui fut rapidement interdit par la police qui craignait les incendies.
La vogue de ces cabarets fut immense. Le slogan de l’époque
était : « Voir Paris sans
Ramponneau se maria trois fois. Du premier mariage, il eut
quatre enfants, dont l’aîné lui succéda au « Tambour Royal » ;
sa seconde femme mourut en 1794 à la « Grande Pinte ». Il se maria
une troisième fois en 1795, avec une demoiselle de soixante huit ans ; il
en avait soixante dix ! Les gens heureux n’ayant pas d’histoire, on
retrouve notre héros six ans plus tard. Il est interné pour des troubles
psychiques dans la maison de santé du docteur Belhomme
à Charonne, qui avait été le lieu de
refuge sous