Un Clamecycois
à Moscou
L’abbé Adrien
Surugues (1753-1812)
Né à Clamecy le 31 octobre 1753, l’Abbé Adrien Surugues se
consacre à la prêtrise et à l’enseignement : Docteur en Sorbonne et Préfet
des études au collège Sainte-Barbe à Paris en 1783. Il quitte la capitale deux
ans plus tard pour aller à Toulouse comme principale du collège de cette ville.
Mis en demeure en tant que fonctionnaire de prêter serment à la Constitution
civile du clergé, il refuse et revient à Clamecy au début de 1792. La Convention
vote en novembre de la même année la loi dite « des suspects » ;
sa mise en application condamne les prêtres réfractaires à la déportation.
L’abbé figure d’ailleurs sous le nom de « Surugue, dit des Arpents »
(appellation d’une ferme lui appartenant) sur une liste de déportés dressée en
mai 1794.
Pour y échapper, il quitte Clamecy et se réfugie en Russie, où la langue
française, à l’époque, était la langue parlée par l’aristocratie et la
bourgeoise russes. D’abord précepteur dans une famille princière, l’exilé
clamecycois devient une personnalité très en vue auprès de l’importante colonie
française résidant à Moscou. Cette dernière insiste pour qu’il accepte en
1808 la cure de l’église Saint Louis des Français.
Il n'est pas inutile de rappeler les conditions de vie moscovite de ces Français exilés
en cette fin du 18e siècle. Par un accord conclu avec la France le 31 décembre 1786,
les ressortissants de notre pays, vivant en Russie, reçoivent l'autorisation d'avoir leurs
églises. Une liberté totale de confession leur est accordée, en vertu de la tolérance
parfaite qui est octroyée à toutes les religions. Ils peuvent accomplir librement leurs
devoirs religieux, célébrer les offices selon leur rite, aussi bien dans leurs maisons que
dans des églises sans jamais rencontrer aucune difficulté. En juillet 1789, Monsieur
Coudert de Bosse, vice consul de France à Moscou, demande à l'impératrice Catherine II,
la permission de construire une église française dans la capitale russe.
La paroisse Saint Louis des Français est créée par un décret adressé au général Eropkine,
commandant en chef de la place de Moscou et chargé des questions religieuses. L'autorisation
de construire est accordée le 5 décembre 1789 sur un terrain situé au coeur de la ville
dans le faubourg allemand. En attendant d'avoir réuni les fonds nécessaires pour l'édification
de l'église, les fidèles français célèbrent les offices dans la maison du vice consul.
La colonie française ayant insisté pour que l'abbé Surugues accepte en 1808 la cure de
Saint Louis des Français, c'est probablement au vice consulat que le prêtre exerça son sacerdoce,
l'église ne devant être construite que dans les années 1830 et consacrée le 24 novembre 1835.
Il y réussit admirablement, et se distingue en particulier lors de l’incendie de la capitale russe, en
septembre 1812, au lendemain de l’entrée dans cette ville des troupes
napoléoniennes. Seul le quartier français sera épargné, grâce à l’estime qu’a
le gouverneur Fédor Rostopchine — père de la comtesse de Ségur — pour l’abbé
Surugues. Durant ces journées tragiques, il protège ses paroissiens et
sauvegarde son église contre les représailles des troupes françaises, furieuses
de voir ainsi détruit leur séjour hivernal. Il se dévoue sans compter auprès des
réfugiés, des malades et des blessés. La fatigue, liée aux émotions, ruine son
état de santé et hâte sa fin. Il meurt le 21 décembre 1812 et est inhumé dans
le cimetière français de Moscou ; une foule immense de compatriotes, mais aussi de grandes familles moscovites, lui rendent un ultime
hommage.