Nous fêterons l’année prochaine en 2026 les 40 ans de la première exposition organisée par le GEMM (à l’époque sans »E ») à Noisiel en novembre 1986 : Expométrique « 1 ». J’ai retrouvé un texte que j’avais écrit en septembre 1998 pour une page de mon site, retirée depuis, qui tente de retracer les débuts (difficiles) du modélisme en voie étroite en France :
« Depuis 1976, suite à l’achat d’un coffret Egger-Bahn à l’exposition de la Bastille et différentes lectures dans des revues anglaises, j’étais devenu un passionné de HOe et de voie étroite. Nous étions alors seulement quelques uns, guettant sans grand espoir dans la presse spécialisée quelque entrefilet relatif au modélisme en voie sub-normale. Nous bricolions des chassis Egger-Bahn (on en trouvait encore facilement) ou Ibertren (les modèles les moins chers en N). Les puristes remuaient ciel et terre pour se procurer du matériel Berliner TT Bahnen au 1/120è de l’autre côté du rideau de fer, et le modifier pour faire du HOm sur de la vraie voie de 12mm d’écartement. Dans nos conversations avec les modélistes « sérieux », nous évitions de parler de voie étroite sous peine, au mieux, de recueillir quelques sourires attristés, mais plus généralement de passer pour d’authentiques cinglés.
Quelque chose d’étrange s’est passé au tournant des années 1980. Tout a commencé un jour de 1978 par un entrefilet dans Loco-Revue signalant que le GECP (Groupe d’étude des chemins de fer de Provence) lançait un appel auprès des modélistes ferroviaires intéressés par une production de matériel à voie étroite en HO. Un petit sondage nous questionnait sur le type de modèle souhaité et le prix que nous souhaitions y consacrer. J’envoyais un courrier au GECP et puis, plus rien, comme d’habitude. Jusqu’à ce jour de 1979 où un inconnu proposait sous la marque GECOMODEL une machine mythique : la 030T des Tramways de la Sarthe, au choix en HOe ou en HOm — c’est dire si le HOm était à l’époque une échelle marginale ! Autre coup de tonnerre : c’est au tour des modèles réduits Mougel, à côté de leur production « normale » de VTU Corail, qui lance une gamme d’autorails Billard à voie métrique en HOe et HOm. Le Billard : avec le De-Dion, probablement l’autorail le plus représentatif des réseaux secondaires à voie métrique en France au 20è siècle; des réseaux de mieux en mieux connus grâce aux efforts de la FACS, des premiers chemins de fer touristiques (Vivarais, CFBS, MTVS) et à de nouvelles revues comme le Magazine des Tramways à Vapeur et des Secondaires de Jean-Claude Riffaud.
C’est l’époque du « modélisme d’atmosphère ». Les rails rouillés, les voies herbues, la patine (que l’on désignait encore sous l’appellation anglaise de weathering), devinrent à la mode. Peut-être en réaction au modernisme et à l’uniformité illustrés par le TGV, qui venait de battre le record du monde à 380km/h ? Très certainement nous avions le sentiment diffus que l’arrivée de la grande vitesse annonçait la fin d’une ère pour le chemin de fer. Et quoi de plus représentatif de cette époque révolue que nos CFD, SE, BA et autres TC ?
Mais il manquait encore quelque chose, un évènement fédérateur, une première pierre, le P.K. 0 d’une nouvelle voie. Ce fut Expométrique « 1 », qui permis à nous, les modélistes en voie étroite, de faire notre coming out, comme on dit de nos jours. Les 6 et 7 décembre 1986, dans un des bureaux paysagers de la MAAF à Noisiel, dans la banlieue est de Paris, on avait poussé les tables et les chaises pour installer quelques étals d’exposants, peu nombreux tant la voie étroite était un marché marginal : MTVS, GECOMODEL et quelques autres…
Il y avait le réseau de Jean-Pierre Dumont qui, non seulement était en HOm, mais adoptait aussi la présentation shadow box, quinze ans avant que cela ne devienne à la mode… Il y avait aussi le réseau au 1/50è de René Marlier, de construction personnelle et intégrale, et le réseau HOi de Bernard Junk logé dans un étui à violon, qui annonçait déjà les concours de micro-réseaux du GEMME.
Il y avait également les premiers tours de roue de la Mallet Loco-Diffusion reproduite à l’échelle de l’élite : le Om, et les modèles en carton de Gilles Gayral. Et surtout, pour la première fois, nous, les obscurs, les marginaux, les proscrits de la voie étroite, nous étions entre nous. Nous faisions connaissance et découvrions que nous avions les mêmes problèmes : la disponibilité de la voie, le manque de modèles français, les commandes aléatoires en Grande-Bretagne ou en Allemagne, le bricolage des chassis Rokal (en TT), le fonctionnement capricieux du HOe, etc. Chacun sentait confusément que la route serait longue, mais que, enfin, le monde de la voie étroite avait enfin droit de cité.
La route fut longue en effet. La première tâche du GEMM (sans E) fut de rendre crédible notre démarche, et il fallut pas mal de palabres, de communiqués, de mises au point et de droits de réponse plus ou moins virulents pour nous faire reconnaître auprès de la presse spécialisée. En contemplant les immenses stands des revues au dernier Expométrique, seuls quelques anciens du GEMM(E) peuvent mesurer l’ampleur du chemin parcouru de ce point de vue 🙂 Le GEMM lui-même n’était pas exempt de dissenssions internes, notamment au niveau des échelles (Om contre HOm) ou même au sein d’une échelle donnée (Oe14 ou Oe16,5), mais tout cela se terminait généralement autour d’un demi et d’un Baeckeoffe au Cochon Doré (un restaurant alsacien aujourd’hui disparu situé rue Thorel, près de Bonne-Nouvelle), ou autour d’un verre de « Grande Subrenette », un cocktail bleuâtre servi généreusement aux GEMMistes par Michel Subrenat-Auger (composition à ce jour inconnue mais qui devait contenir au moins du curaçao – conduite automobile ou montage de kit laiton fortement déconseillée après absorption).
Outre regrouper des passionnés et des modélistes de talent, l’une des grandes forces du GEMM fut très tôt de réunir des artisans français et de les mettre en contact direct avec leur clientèle. Certains d’entre eux qui ont maintenant pignon sur rue firent leurs premières armes au cours de l’une ou l’autre des premières éditions d’Expométrique. »