Archive pour la catégorie ‘Londres’
Le Thames Path (sentier de la Tamise) est un chemin de randonnée long de 296km qui court le long des berges du fleuve depuis sa source à Kemble (Gloucestershire) jusqu’à la barrière de la Tamise en aval de la capitale britannique.
Lors de mes séjours annuels à Londres, j’avais entrepris depuis 2016 de parcourir la section entre Reading et Windsor via Henley et Marlow ; une épopée malheureusement interrompue en 2020 pour cause de COVID. Cette section est particulièrement bien desservie par le rail depuis la gare de Paddington via une série d’embranchements du Great Western Railway. Ces embranchements ont été magnifiquement filmés par Peter Middleton (Video 125) dans son documentaire ferroviaire Thames Branches de la série Driver’s Eye View.
Bien que situé seulement à 50km de Londres, le sentier parcourt des paysages miraculeusement épargnés par la pression immobilière, loin de la circulation automobile et troublés seulement par le teuf-teuf des narrow boats (péniches) transformées en navires de plaisance, le tout dans des panoramas qui rappellent les tableaux de Constable ou de Gainsborough.
Sur le chemin, quelque part entre Shiplake et Henley-on-Thames, le randonneur-ferroviphile ne manquera pas de découvrir avec surprise la voie d’un train de jardin qui n’est pas sans rappeler celui du Swiss Vapeur Parc au Bouveret (VS) en Suisse et dont il semble avoir aussi adopté l’échelle de réduction (1/4) :
A la sortie de la courbe, nouvelle surprise. Nous nous retrouvons face à une gare bien connue : celle de Saint-Moritz des chemins de fer Rhétiques !
Vision étonnante dans le jardin d’une riche propriété de l’Oxfordshire…
L’original – la gare de Saint-Moritz en hiver dans les années 1950 :
Quoi de mieux pour bien commencer l’année 2014 qu’une bonne série TV britannique ? Hier soir 1er janvier, la BBC diffusait le premier épisode de la 3e saison de « Sherlock » avec Benedict Cumberbach et Martin Freeman, transposition dans le Londres du XXIe siècle de l’oeuvre de Sir Arthur Conan-Doyle. Cerise sur le gâteau : une partie de l’action se déroule dans le métro de Londres !
Dans cet épisode au titre prometteur de The Empty Hearse (Le corbillard vide), Sherlock et la médecin-légiste Molly Brown (remplaçant temporairement Watson) sont contactés par un employé de la District Line chargé de visionner les bandes de vidéo surveillance. Ils découvrent en arrivant à son domicile un imposant module reproduisant une station du London Underground (à gauche de l’image) :
Parcourue par des rames EFE (échelle OO / 1.76).
Des événements mystérieux se déroulent sur la District Line (horresco referens : on voit sur l’image CCTV une station du Tube !!!). Prenez garde, Ô détenteurs de la Oyster Card ! Celui qui emprunte l’Underground à certaines heures à la station Westminster risque fort de ne jamais arriver à la station suivante de Saint-James Park…
L’employé signale fort opportunément à Molly que dans le vocabulaire du London Underground, les voitures composant les rames de métro sont appelées des « cars » comme aux USA, et pas des « carriages » comme l’impose l’Oxford-English – rappel du rôle essentiel de Charles Tyson Yerkes et des capitaux américains dans le développement du Tube de Londres au début du XXe siècle.
Regrettons cependant que le scénario tombe une fois de plus dans le cliché de l’amateur de trains-sociopathe, Sherlock paraissant étonné en apprenant que l’employé possède à la fois un module en OO dans son appartement ET une girlfriend…
La suite de l’action emmène Holmes et Watson dans une station abandonnée, qui n’est autre que le quai ouest de la station Aldwych, située sur l’embranchement du même nom de la Piccadilly Line et définitivement fermée le 30 septembre 1994. Depuis, la station sert de décor pour des films, un rôle similaire à celui de Porte des Lilas-Cinéma à la RATP.
Pénétrant dans le tunnel, notre duo se trouve face-à-face avec la rame ex-Northern Line (1972 Stock) qui y est garée en permanence pour les besoins des productions cinématographiques.
Là où les choses se gâtent pour les aficionados de l’Underground, c’est qu’une fois montés à bord, nous nous retrouvons dans une remorque du « Surface Stock » de la District Line (D-Stock d’après la porte à un seul vantail).
Nonobstant ces invraisemblances, il sera beaucoup pardonné à cette excellente série…
Addenda : le module OO du métro de Londres entr’aperçu dans l’épisode me rappelait Abbey Road, réalisé par le modéliste anglais John Polley, animateur de la firme Metromodels.net.
Confirmation officielle sur le site de la marque. Congratulations!
Retour sur l’année 2013 : année de toutes les commémorations ferroviaires…
150 ans
Le 10 janvier 1863, le premier métro du monde était inauguré. Le Metropolitan Railway voyait ses premières rames circuler entre Paddington et Farringdon Street. Traction vapeur, voie à trois files de rail (!), exploitation par les trains du Great Western Railway à l’écartement de 2,14m, le plus ancien de tous les métros du monde démarrait sous les auspices de la singularité.
Baker Street, Circle, Hammersmith & City Line en août 2013, photo FD. Les puits de lumière dans les murs servaient à l’éclairage et à l’évacuation des fumées des locomotives.
Une histoire extraordinaire qui n’a malheureusement guère inspiré le London Transport. Service minimum pour les 150 ans : une seule circulation vapeur le 9 janvier, des plans du métro de Londres en Lego(tm) exposés dans quelques stations, une journée portes-ouvertes au LT Museum, nombreux mélanges et amalgames avec le « Tube » (son cadet de 27 ans), la direction de l’Underground n’a pas vraiment été à la hauteur de l’événement.
100 et 40 ans
Largement évoqué dans ce Blog, les 100 ans de la naissance à Joplin, Missouri, du modéliste américain John Allen coïncident avec le 40e anniversaire de sa mort à Monterey, Californie. 2013 restera célèbre chez les mânes du « Wizard of Monterey » pour le petit-déjeûner planétaire du 2 juillet 2013.
75 ans
Passé totalement inaperçu, sauf de quelques inconditionnels de la voie étroite US : la fermeture de la ligne à voie étroite du Southern Pacific (ex- Carson & Colorado) entre Mina, Nevada et Laws, Calfornie – ne laissant subsister que le tronçon terminal de 117km de Laws à Keeler qui sera fermé en 1960. Le 16 février 1938, tous les agents du Southern Pacific et leurs familles entassèrent leurs possessions terrestres dans des boxcars emmenés en triple-traction par delà la Montgomery Pass en direction de la Owens Valley.
Dernier train à voie de 3 pieds quittant Mina, NV. En tête,
la #18 actuellement en cours de restauration.
Après la fin de l’exploitation en voie étroite, la gare de Mina continua à voir passer les trains à voie normale du S-P vers Tonopah, avant la fermeture définitive de la Mina Branch en 1979.
Le site de la gare de Mina, Nevada, le 15 août 2012 (photo FD)
50 ans
Il y a 50 ans naissait la firme Egger-Bahn, pionnière du HOe. Disparue en 1967, cette production un temps reprise par Jouef, marquera toute une génération de modélistes ferroviaires en la faisant basculer pour toujours dans le monde de la voie étroite. Voie Libre consacrera une très riche rétrospective à la marque, en demandant à quelques collaborateurs réguliers comme Bernard Junk, Alain Duchesne, Jacques Royan, « Nono » Nicot (et moins réguliers comme l’auteur de ce Blog 🙂 ) quel rôle joua Egger-Bahn dans leur vie de modéliste. Sans surprise, tous rapportent que « E-B » fut à l’origine de leur passion pour la voie sub-normale, et toujours sans surprise, tous se retrouvèrent au GEMM dès 1986.
30 ans
Autre anniversaire bien oublié, celui de la dernière circulation régulière d’une rame Sprague sur le réseau de la RATP : le samedi 16 avril 1983 sur la ligne 9 Pont-de-Sèvres – Mairie de Montreuil. Salut l’artiste !
…qui peuvent tout changer. Photographiés au vol le 2 août 2013, entre Baron’s court et Hammersmith depuis un train de la District Line : trois petits tubes montés au dessus de la voie de la Piccadilly line, un portique à l’utilité méconnue.
Le métro de Londres se compose de deux réseaux :
– le réseau à « grand » gabarit (gabarit standard des chemins de fer britanniques) constitué par la Metropolitan Line, la District et Circle lines (ainsi que toutes les lignes du London Overground) ; historiquement le plus ancien (première ligne : Metropolitan Railway inauguré en 1863 entre Paddington et Farringdon Street), généralement construit en tranchée couverte (cut and cover). Parcouru par le « Surface Stock ».
– le réseau du « Tube » circulant dans des tunnels circulaires creusés au bouclier dans un banc d’argile bleue à grande profondeur, d’un diamètre réduit de 11 pieds 18 pouces et demi (soit 3,80m) ; plus récent que le précédent (première ligne : City and South London Railway, inauguré en 1890 entre Stockwell et King William Street). Parcouru exclusivement par le « Tube Stock ».
Dans les parties souterraines, les trains de ces deux réseaux circulent sur des voies distinctes. En revanche, dans les parties aériennes (remblai ou viaduc en brique qui constituent près des 2/3 du réseau londonien) il peut arriver que les circulations « Tube Stock » et « Surface Stock » se mélangent. C’est le cas pour la section de ligne entre Ealing Common et Baron’s Court. A cet endroit, la Piccadilly Line et la District Line sont disposées côte à côte sur une section à quatre voies.
Plusieurs aiguilles permettent en cas d’incident ou de travaux de voie à des trains de la Piccadilly Line d’emprunter la District Line et réciproquement. Le risque est alors qu’à Hammersmith, un train de la District Line à grand gabarit soit dirigé accidentellemnt sur la Piccadilly Line, venant s’écraser sur le portail du tunnel du Tube (version ferroviaire du célèbre Serial Tunnel 2m40 des Champs-Elysées).
L’entrée du tunnel « tube » de la Piccadilly Line à Baron’s Court.
(Vidéogramme (c) Video125)
Pour éviter toute catastrophe, un portique équipé de trois tubes en verre a été placé sur la voie de la Piccadillly Line menant au tunnel. Leur longueur a été calculée pour laisser passer le matériel au gabarit du Tube. Tout engin roulant hors gabarit vient briser les tubes (jadis remplis de mercure) et provoquer, via un relais, la coupure immédiate du courant de traction.
A ce jour, les tubes n’ont jamais été brisés. Un dispositif identique a été ajouté, toujours sur la Piccadilly line, après Hounslow Central, non loin de l’entrée du tunnel donnant accès à l’aéroport de Heathrow. A cet endroit existe aussi le risque qu’une rame grand gabarit de la District Line soit mal routée vers Heathrow en lieu et place de Ealing Broadway.
Gabarit mis à part, l’intéropérabilité entre « Surface Stock » et le Tube Stock est possible. L’East London line, qui emprunte le tunnel sous la Tamise de Brunel entre Wapping et Rotherhite, et qui a presque tout connu en matière de matériel roulant au cours de son histoire tourmentée – de la traction vapeur aux rames ultra-modernes du London Overground à qui elle appartient désormais – a vu circuler des rames du tube « 1938 Stock » dans ses tunnels à grand gabarit de Whitechapel à Surrey Quays.
1938 Stock à Wapping, East London Line,
à la sortie du tunnel de Brunel
Reçu aujourd’hui la dernière lettre d’information de Motor Books, la librairie londonienne spécialisée dans la littérature ferroviaire, mais aussi automobile, aviation et maritime, qui annonce :
« Due to the harsh economic realities affecting specialist independent high street booksellers, we are sad to announce that after sixty years we will shortly close our doors to our West End ‘MOTOR BOOKS’ store. »
[En raison de la dure réalité économique qui frappe les libraires spécialisés indépendants ayant pignon sur rue, nous avons la tristesse de vous annoncer qu’après soixante ans nous allons fermer notre boutique Motor Books du West End]
La nouvelle n’était pas une surprise. Lors de mon dernier passage au début de ce mois d’août 2013 dans les locaux du 13/15 Cecil Court, il était évident que l’échoppe n’était plus que l’ombre d’elle-même. Réduite à une seule boutique, l’autre ayant été cédée à St Martins Models (modélisme automobile), Motors Books avait sévèrement réduit la voilure. Le rayon ferroviaire, jadis une référence, avait réduit comme peau de chagrin et se résumait à quelques étagères à moitié vides.
Motor Books et St Martins Models, Cecil Court, en août 2013
Sic transit ! J’avais fréquenté la boutique assidûment pendant les années 80-90, à l’époque située dans la rue parallèle Saint-Martins Lane. Dans les années 2000, le commerce migra au 13/15 Cecil Court. C’était une étape incontournable lors du week-end annuel que nous consacrions avec quelques amis ferroviphiles à visiter l’exposition Eurotrack de Southampton. Suivant un rituel immuable, délaissant femmes et enfants, nous partions aux aurores de Paris pour atterrir à Heathrow. Nous engouffrant dans la Piccadilly line, nous faisions une première étape à Northfields dans une boutique de modélisme ferroviaire tenue par un chinois (pas mal d’occasions, dont du Jouef VE), puis nous filions jusqu’à Leicester Square pour rejoindre St. Martins Lane. En cette époque pré-Internet, nous y faisions le plein d’ouvrages ferroviaires anglophones introuvables en France. Chargés comme des bombardiers partant en mission, nous courions ensuite chez Plummer’s, un restaurant Victorien – lui aussi disparu – à Covent Garden avant d’attraper le train du soir pour Southampton à Waterloo. L’arrivée d’Eurostar modifia sensiblement notre itinéraire, nous faisant arriver à Waterloo et délaisser Northfields, mais nous donnant l’occasion d’admirer les rames EMU de Network Southeast sur le Hungerford Bridge.
Mais revenons à Motor Books…
Disons le tout de suite, nous ne fréquentions pas Motor Books pour l’accueil chaleureux du personnel, plutôt glacial et hautain, qui n’était pas sans rappeler celui pratiqué dans les boutiques de vêtements de Jermyn Street ou de Savile Row. Il y avait en plus des règles non écrites qu’il ne valait mieux pas transgresser. Le silence quasi-absolu était de rigueur, on ne devait s’adresser au personnel pour un renseignement qu’en respectant le protocole de la Cour Impériale du Japon (avec stupeur et tremblements). Mais surtout, surtout, il ne fallait emprunter sous aucun prétexte un certain escalier… A l’époque de St Martins Lane, chacune des boutiques jumelles avait un escalier donnant accès au sous-sol, l’un abritait le rayon des livres ferroviaires américains, l’autre un local mystérieux dont l’accès était strictement réservé au personnel (Quel était son usage ? Réserve ? WC ? Bar clandestin ? Je ne l’ai jamais su). Malgré une profusion de panneaux « No Entry/Staff Only », tous les jours une dizaine de clients distraits tentaient la descente dans le Saint-des-Saints. Lassée de ces débordements inqualifiables, la direction de Motor Books affecta un de ses employés, une sorte de Niebelung, à la surveillance de l’escalier sacré. Le Niebelung, perché sur une chaise haute, semblait être plongé dans le pointage d’interminables listings. Mais il ne fallait pas s’y tromper, sa véritable mission était toute autre : dès qu’un client novice faisait mine de s’approcher de l’escalier maudit, le Niebelung entrait dans une colère sacrée vis à vis de l’audacieux, s’exprimant en des termes fort peu courtois, brisant le silence sépulcral des lieux et faisant esquisser un léger sourire aux clients « initiés »…
Nonobstant ces quelques désagréments, Motor Books était le Xanadu du ferroviphile, non seulement pour les mânes du rail anglo-saxon, mais aussi pour les amateurs de bizarre. A la grande époque, entre l’intégrale des publications Ian Allan, la collection complète des petits formats de Oakwood Press et l’abondante littérature consacrée au Great Western Railway (2,50m linéaires d’étagères au minimum), l’amateur de curiosas pouvait dénicher une monographie sur le Földalatti de Budapest (premier métro d’Europe continentale)
Le Földalatti à Budapest en 1896
ou une étude richement illustrée sur les inclines (funiculaires) qui escaladaient les sept collines de Cincinnati(Ohio), hissant hommes, femmes, enfants, chevaux et tramways.
Un incline de Cincinnati en 1907
Chassé par les prix démentiels des baux commerciaux dans le West-End de Londres, Motor Books n’aura plus désormais qu’une « fenêtre sur Web ». Cette institution arrivera t’elle à survivre face à la concurrence de structures plus petites, comme l’excellent Transport Diversions, ou celle encore plus redoutable des cottages business ? Rien n’est moins sûr.
Une seule certitude : la fermeture définitive de la boutique et la disparition du Niebelung (qui a dû se perdre lors du déménagement entre St Martins Lane et Cecil Court) sont autant de signes de la fin d’une civilisation…